Auteur : Marguerite Duras
Court Résumé :
La petite aux nattes enfantines, au chapeau d’homme et aux souliers de bal est sur le pont du bac qui traverse le Mékong pour l’emmener à Saïgon. L’homme la repère de loin et l’invite à effectuer le trajet du port à la pension dans sa limousine. La petite le suit et c’est ainsi que commence leur histoire. Mais cette histoire n’est qu’un élément dans l’histoire de la petite. Marguerite Duras nous raconte ainsi, par l’intermédiaire de cet événement qui a changé sa vie, les derniers mois passés en Indochine avec sa famille.
Mon avis perso :
C’est le second livre que je lis de Marguerite Duras, mais autant dire que c’est le premier. Le précédent était tellement court qu’il n’a pu me donner qu’un aperçu très restreint de son art. Car on peut vraiment parler d’un art littéraire et stylistique quand on décrit la prose en continu de Marguerite Duras. Elle nous transporte dans univers à la fois féérique et cauchemardesque où la beauté du monde côtoie les pires bassesses des Hommes. Son écriture est fluide et rivière comme le Mékong. On se laisse porter à la dérive comme cette petite fille, qui n’est plus si petite, sur son bateau. Les pages se tournent à grande vitesse sans même qu’on s’en rende compte. Et en refermant le livre, on garde en souvenir tous ces paysages traversés et ces gens rencontrés au passage. Ces gens qui constituent le quotidien de la petite Marguerite qui n’a de cesse de vouloir s’en détacher, s’en démarquer.
Son but est clair : il faut partir. Quitter cette pauvreté qui a détruit sa mère à petit feu. Quitter
cette mère à moitié folle qui la rendra folle. Quitter ce grand frère égoïste dont l’amour trop fort détruit tout sur son passage. Quitter le petit frère avant qu’il ne nous quitte. Et surtout
quitter ce pays à la chaleur humide étouffante. Le chinois de Cholen sera le premier élément déclencheur ce départ. Mais il faudra le quitter lui aussi.
Pendant ma lecture, des images du film, que j’ai vu il y a quelques années, me revenaient en mémoire. Mais à celles-ci s’en superposaient d’autres que seul le livre pouvait dépeindre. La description de la mère, de l’attachement et de la haine que Duras ressent pour elle est décrite par touches successives tout au long du récit qui finissent par donner un portrait très précis de celle qui n’avait que ses enfants pour fierté. Elle ne prend pas de pincettes non plus pour décrire son frère aîné qu’elle présente comme un être machiavélique, paresseux, violent et égocentrique qui n’hésite pas à voler sa mère, ses frère et sœur et même les domestiques pour pouvoir jouer tout ce qu’il peut et tout perdre par la même occasion. Cette description est cependant tempérée par moment lorsqu’elle évoque l’immense amour, bien que destructeur, qui l’unissait à ce frère diabolique. En fin le « petit frère » qui est pourtant son grand frère (il avait 3 ans de plus qu’elle). Mais il semble si faible, si malingre et impotent qu’on le prend pour un enfant ou un jeune adolescent.
La relation qu’elle lie pour son amant est particulière car elle ne semble éprouver aucun sentiment. Contrairement à lui qui est fou amoureux d’elle. On s’aperçoit, en fait, avec elle, lors de son départ pour la France que ses sentiments étaient pourtant bien présents, mais qu’elle ne s’était pas autorisée à les reconnaître. Jamais pour un chinois, cela lui paraissait inconcevable. S’installe donc entre eux une relation physiquement très intense mais parsemée de non-dits, de sous-entendus et des préjugés.
Ce qui impressionne, c’est aussi la lucidité de cette jeune fille. Elle a pourtant grandit comme les autres dans cette famille, puis dans la pension avec les autres jeunes filles de bonne famille. Mais elle semble posséder un pouvoir qui lui permet de voir les événements et l’évolution des situations et des personnes de manière objective, réaliste et détachée, parfois à la limite de la froideur.
Ce qui est aussi terrible dans cette histoire, c’est que même si elle a décidé de ne plus avoir de contact avec cette famille et de couper réellement les ponts avec tous ses membres. Leurs destin finit toujours par la rattraper. Ne serait-ce que par les souvenirs qui viennent la hanter au détour d’une lettre ou d’une photo retrouvée.
Ce livre fait incontestablement partie des chefs-d’œuvre de la littérature française à lire absolument !
Nombre de pages : 142
Temps mis pour le lire : 3 jours
Note : 18/20
Les 3 premières phrases :
Un jour, j’étais déjà âgée, dans le hall d’un lieu public, un homme est venu vers moi. Il s’est fait connaître et m’a dit : « Je vous connais depuis toujours. Tout le monde dit que vous étiez belle lorsque vous étiez jeune, je suis venu pour vous dire que pour moi je vous trouve plus belle maintenant que lorsque vous étiez jeune, j’aimais moins votre visage de jeune femme que celui que vous avez maintenant, dévasté. »