Auteur : Edouard Louis
Court Résumé :
Eddy Bellegueule est né au début des années 90 dans un famille modeste du nord de la France. A priori, rien ne présageait à cet enfant un avenir plus radieux que ses frères et sœurs avec comme choix cornélien l'usine ou le chômage. Mais seulement voilà Eddy ne ressemble à personne ici. Ni dans sa famille, ni dans son village. Il fait des manières et parle avec une voix aigüe. Un comportement très déstabilisant pour ses proches qui valorisent les gros durs qui savent se battre. C'est pas gagné pour Eddy...
Mon avis perso :
J'ai découvert ce livre et son auteur lors de son passage à l'émission de France 5, La Grande Librairie. Au départ, j'ai cru à un énorme coup marketing : le petit jeune de vingt ans avec une gueule d'ange qui écrit son premier roman. Tout un programme!
Mais bon, je l'ai quand même écouté et là j'ai vraiment été bluffée. Tout dans ses paroles, ses gestes et ses sourires gênés montraient bien sûr un malaise difficilement contrôlable (pas facile de parler de choses personnelles sur un plateau de télé quand on en a pas l'habitude) mais également et surtout une maturité et une sensibilité extraordinaire pour un jeune homme de son âge. Une lucidité fine capable de décortiquer avec précision des sentiments pourtant extrêmement complexes et douloureux.
J'ai acheté le livre le soir même.
Dans ce roman qui n'en est pas un, même si pour lui ce personnage n'existe plus ou seulement donc dans la fiction du passé, Edouard Louis nous raconte son enfance. Une enfance au pays des corons, comme si on y était. L'histoire se passe pourtant des années 90 aux années 2000. Mais, comme il le constate lui-même l'histoire se répète inlassablement de génération en génération.
Né dans ce village, dans cette région, Eddy n'aurait jamais dû en sortir et suivre l'exemple de ses parents et grands-parents. La journée passée à trimer à l'usine, le soir et le weekend on se détend en regardant la télé des heures durant (la télé, c'est sacré ! Il y en a dans toutes les pièces) ou aller se saouler avec ses copains à l'abribus sur la place du village.
Mais Eddy est différent, ses parents et ses camarades de classe lui ont bien fait comprendre. "C'est pas normal ces manières", "Qu'est-ce qu'il a le débile?" Des paroles extrêmement blessantes pour cet enfant qui sent bien qu'il ne sera jamais un dur comme son père et son frère mais fait tout pour leur ressembler et ne pas être une pédale.
Toutes ces insultes reçues et encaissées encore plus stigmatisantes et violentes que les coups dont il sera victime quotidiennement au collège, il les cite et les récite tout au long du livre. Elles reviennent comme des vagues lancinantes et incessantes qui rongent l'âme et le corps. Parfois, on se prend à croire comme lui que tout ceci va s'arrêter qu'on le laissera enfin tranquille. Mais rien y fait. Même loin de sa famille au Lycée d'Amiens il lui faudra encore affronter le regard des autres élèves plus riches et plus instruits avec des parents plus présents et attentifs.
Malgré la vision de la famille qui n'est pas sans rappeler Germinal, on sent tout de même, malgré tout, toute la tendresse qu'il éprouve pour ses parents. L'amour est là même pour ceux qui ne sont pas prêt à l'accepter...
Dans La Grande Librairie Edouard Louis évoquait les récits autobiographiques d'Annie Ernaux sur ses parents et son enfance en Normandie. Ici Edouard Louis va bien plus loin.
Un très beau témoignage et une belle découverte littéraire forte et choc que je vous conseille.
Nombre de pages : 219
Temps mis pour le lire : 4 jours
Note : 16/20
Les 3 premières phrases :
De mon enfance je n'ai aucun souvenir heureux. Je ne veux pas dire que jamais, durant ces années, je n'ai éprouvé de sentiment de bonheur ou de joie. Simplement la souffrance est totalitaire : tout ce qui n'entre pas dans son système, elle le fait disparaître.
Dans le couloir sont apparus deux garçons, le premier, grand, aux cheveux roux, et l'autre, petit, au dos vouté. Le grand aux cheveux roux a craché Prends ça dans ta gueule.